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aaDepuis les temps immémoriaux ou l’homme créa les pictogrammes, les icônes et les hiéroglyphes, nous n’avons eu de cesse que de faire évoluer la forme de l’information que nous transmettons à nos semblables. L’arrivée de l’informatique a changé la forme, mais le contenu est resté le même. Transmission du savoir, de l’information, publicité, ces formes de communication sont multiples et doivent s’adapter au support sur lequel l’information sera consultée. Partant du print, l’information s’est adaptée à la technologie du web en créant quelques usages spécifiques, mais surtout en rajoutant une dimension dynamique, le multimédia.

La conception d’un site web va donc mélanger divers médias au sein d’une même structure consultative agrégeant l’ensemble. Mais ce mélange n’est pas forcément harmonieux, car chaque média va stimuler certaines zones de notre cerveau, zones qui peuvent se retrouver perturbée dans leur fonctionnement global.

Le rôle essentiel du texte

Le texte, lors de la lecture, va utiliser les centres de la vision pour décoder les formes des caractères et transmettre cette information au centre du langage. Il faut savoir que le processus n’est pas naturel, car à l’échelle de l’humanité, l’écriture, datant de 5 000 ans, représente un temps trop court pour que la génétique ait pu jouer sur l’intégration des fonctionnalités de lecture et d’écriture dans notre cerveau. La lecture est une construction culturelle assez récente, elle dépend donc de zones du cerveau qui, au départ, étaient conçues pour autre chose. Pour tenter de repérer ces zones, les chercheurs ont utilisé l’imagerie par résonance magnétique (IRM). Ils ont comparé l’activité cérébrale de 63 personnes réparties en 3 groupes : 31 personnes avaient appris à lire enfants, 22 avaient appris à lire adultes et 10 étaient analphabètes. Chacune avait à réagir à une batterie de stimuli : phrases parlées et écrites, mots parlés, visages, objets, etc. Parmi les observations effectuées par les chercheurs, lorsqu’on leur présente des phrases écrites, les personnes qui savent lire activent des zones de l’hémisphère gauche dédiées au traitement de l’information visuelle ainsi que des zones impliquées dans le traitement du langage parlé.

Les chercheurs ont notamment remarqué qu’une communication intense s’opère entre ces zones. Pour un lecteur-cobaye, voir une phrase écrite active l’ensemble des aires du langage parlé. Et inversement, lorsque ce lecteur-cobaye entend un mot parlé, son cerveau active son code orthographique dans les aires visuelles. La lecture repose sur des régions du cerveau qui ont évolué et qui géraient la vision et le langage parlé. A l’origine, cette zone sert à la reconnaissance des objets et des visages. Les chercheurs ont noté dans leurs tests que pour les analphabètes, cette zone s’active très fortement lors de la reconnaissance de visages. il s’établit donc une sorte de  compétition entre les deux activités. La lecture rentrerait en opposition avec la reconnaissance des visages.

Pour gérer cette nouvelle activité de lecture, le cortex visuel se serait donc réorganisé afin de faire de la place, démontrant une certaine plasticité du cerveau, de la plus tendre enfance à l’âge adulte, mais selon deux types d’influence : celle qui est due à l’apprentissage même de la lecture et celle d’une lecture plus moderne, celle que l’on pratique sur le web.

L’apprentissage de la lecture modifie le cortex

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D’autres études dirigées par une équipe internationale de chercheurs, basées sur des observations par imagerie médicale ont récemment mené à des conclusions jusque-là insoupçonnées : l’apprentissage de la lecture augmente l’activité des aires visuelles du cortex, l’aire visuelle primaire et l’aire spécialisée pour la forme écrite des lettres. Autrement dit, les personnes sachant lire répondent plus facilement à des stimuli visuels, l’alphabétisation augmente aussi les réponses aux stimuli sonores, au langage parlé, dans la région impliquée dans le codage des phonèmes, enfin, savoir lire entraine une extension des aires du langage et une communication entre les voies d’échanges des langages parlé et écrit. Cela signifie notamment qu’une personne sachant lire va voir son aire du langage parlé activée en observant simplement une phrase écrite alors qu’un analphabète limitera le traitement du langage à la modulation auditive.

En résumé, la lecture mène à des modifications cérébrales et à une réorganisation du cortex, des phénomènes qui peuvent se produire même à l’âge adulte, ces changements n’étant pas liés à l’âge des sujets, mais bien à leur niveau d’entrainement et de pratique de la lecture.

La lecture sur le web, plus difficile

Mais il semblerait qu’il existe une différence de traitement de l’information selon le support de lecture. Sur Internet, l’assimilation des informations et la lecture sont différentes d’un support papier. Moins concentrés, les internautes ont tendance à lire un texte « en diagonale », passant plus facilement d’une information à une autre. Les articles sont rapidement balayés, et cette façon de décrypter l’information solliciterait de façon accrue le cerveau, notamment les zones de décodage de l’écriture, mais aussi celles qui sont impliquées dans les raisonnements complexes. En parallèle, le niveau d’attention semblerait affecté. En effet, l’internaute moyen n’arrive pas à rester concentré sur un article de fond, le survole et finit par plus difficilement comprendre ce qu’il lit, si cela dépasse le seuil de l’actualité simple. L’effort nécessaire à la compréhension n’est plus réalisé. Le souci ici, c’est que cette dynamique de compréhension se « perd » en quelque sorte, menant le lecteur à éprouver potentiellement des difficultés de concentration lors d’une lecture sur support papier. Pourquoi ces difficultés ? Simplement parce que la fatigue visuelle de la lecture sur écran est bien plus importante que sur le papier. Mais aussi à cause de la surabondance des informations sur internet : des liens hypertextes, des images, des vidéos, etc. La lecture est perturbée, moins fluide, le cerveau « trie ».

Lire sur un écran induit des attitudes et des postures nouvelles, qui peuvent se révéler être des inconvénients pour le lecteur en le mettant dans une posture physique nouvelle qui. La lecture à l’écran suppose une certaine immobilité et donc une sensation d’inconfort. Mais le développement des équipements mobiles comme les tablettes de lecture ou liseuse modifie ces contraintes. De plus, l’expérience perceptive change : le lecteur est plus facilement sujet à une fatigue oculaire due au scintillement du rétro éclairage. Le livre papier offre un confort visuel optimum (du fait de sa taille, de l’appareillage typographique, du contraste encre-papier selon les conditions d’éclairage) ; certains écrans peinent à présenter une résolution suffisante et une qualité d’affichage pour l’œil provoquant une vitesse de lecture inférieure d’au moins 25 % par rapport à la lecture sur papier. On constate chez les gros usagers d’écrans un fort usage de l’imprimante pour la consultation de textes.

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Le livre électronique ne donne plus à voir, par sa forme matérielle, sa différence avec les autres productions écrites. La lecture face à l’écran est une lecture discontinue, segmentée, attachée au fragment plus qu’à la totalité. Elle est l’héritière directe des pratiques permises et suggérées par le codex, invitant le lecteur à feuilleter les textes, à comparer des passages ou à extraire et copier citations et sentences. Le numérique, hypertexte et multimédia, induit une hyper-attention que des psychologues américains opposent à la deep attention (l’attention profonde) que nécessite la lecture linéaire sur papier. Le risque que la lecture classique devienne insupportable, y compris physiquement, peut se profiler. Le livre papier représente un média de plus en plus en contrasté avec la saturation d’information et la rapidité de lecture des médias digitaux.

Les médias digitaux et notre psyché

Les médias digitaux – ordinateurs, smartphones, consoles de jeux et la télévision – ne changent pas seulement notre vie, mais aussi notre processus neurologique et montrent de quelle façon la structure du «système dynamique de traitement d’information» du cerveau s’adapte aux exigences changeantes, comment le transfert de la pensée sur des machines endommage le cerveau et comment cet organe dynamique se décompose avec le manque d’entraînement.

À la question des effets à long terme de ce monde digitalisé, presque la moitié de plus de 1000 experts d’Internet, lors d’un sondage en ligne fin octobre 2011, ont donné la réponse pessimiste suivante sur l’avenir d’Internet et ses conséquences quant aux capacités intellectuelles de la génération à venir :
En 2020, les cerveaux des teenagers et des jeunes adultes exerçant le multitasking — exercer plusieurs activités en même temps — seront ‹connectés› autrement que les cerveaux des personnes de plus de 35 ans, entrainant une baisse de la mémorisation. Ces nouvelles générations utilisent la majeure partie de leur énergie pour échanger des informations sociales brèves, notamment par l’intermédiaire des réseaux sociaux, virtuels et déconnectés du contact physique. Ces modifications récentes du comportement social et de la pensée conduisent, particulièrement chez les jeunes gens, à des effets globalement négatifs selon les évaluations actuelles.

Mais aussi une révolution de l’apprentissage

L’éducation, dans nos pays développés, se heurte au problème du recrutement d’enseignants qualifiés, aggravé dans les pays en voie de développement où l’on estime qu’il existe environ 100 millions d’enfants à travers le monde qui n’ont pas accès à un enseignement scolaire, et qui sont donc illettrés. Pourquoi ne pas alors substituer la tablette accompagnée de programmes pédagogiques à l’enseignant ?

C’est pour vérifier la viabilité de cette idée que l’organisation One Laptop Per Child (OLPC), connue pour ses ordinateurs portables à très bas coût, a mis sur pieds une expérience dont les résultats sont à la fois étonnants et très encourageants :
Des membres de l’organisation se sont rendus dans deux villages d’Éthiopie où n’existe aucune éducation scolaire, et ont déposé devant les enfants des boîtes en carton, scellées par de l’adhésif, dans lesquelles ils avaient mis des tablettes Motorola Xoom. Ils n’ont donné aux enfants aucune instruction, et ont simplement observé, avec la complicité d’adultes du village. Les tablettes étaient préchargées avec des jeux, permettant d’apprendre l’alphabet, des e-books, des films, des dessins animés, des applications pour dessiner, etc.

« Je pensais que les enfants joueraient avec les boîtes », a raconté Nicholas Negroponte, le fondateur d’OLPC, lors d’une conférence la semaine dernière. « Au bout de quatre minutes, un enfant avait non seulement ouvert la boîte, mais aussi trouvé le bouton on/off (de la tablette) et l’avait démarrée. Au bout de cinq jours, ils utilisaient 47 applications (par enfant et par jour). Au bout de deux semaines, ils chantaient les chansons ABC dans le village, et au bout de cinq mois, ils avaient ‘hacké’ Android » (ils avaient réussi à détourner la protection mise en place par les techniciens pour les empêcher de personnaliser la tablette, et avaient réactivé la caméra qui avait été désactivée). L’un des enfants a écrit « lion » sur l’application permettant de dessiner.

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OLCP espère trouver le financement pour poursuivre l’expérimentation pendant deux ans afin de la tester dans d’autres villages. Pour le moment, prévient Negroponte, il est trop tôt pour conclure que les tablettes seules permettent aux enfants d’apprendre à lire ou de s’éduquer par eux-mêmes. Mais « si un enfant peut apprendre à lire, alors il peut lire pour apprendre », rappelle-t-il.

L’usage précoce est en augmentation en 2014

Une étude annuelle Ipsos – Junior Connect « décrit en détail les comportements et les aspirations des enfants et des adolescents. Elle mesure la fréquentation de tous les médias s’adressant aux jeunes de moins de 20 ans (presse, télévision, internet, radio, cinéma), et analyse leurs relations sur tous les supports (PC, smartphones, tablettes, consoles…)… Elle analyse également leurs habitudes d’achat et de consommation (alimentation, boissons), leurs relations aux marques et à la publicité. » En voici quelques éléments.
L’équipement des moins de 20 ans en tablettes progresse :

  • 8 % des enfants de moins de 7 ans en ont une (+ 5 points depuis 2012) ;
  • 19 % des 7 – 12 ans (+ 13)
  • et 18 % des 13 – 19 ans (+ 10).
  • 90 % des 13 – 19 ans utilisent des applications mobiles.

Le temps moyen hebdomadaire passé sur Internet s’élève à 3 heures 10 pour les moins de 7 ans, 5 heures pour les 7 – 12 ans et 11 heures 45 pour les 13 – 19 ans.

« Cette nouvelle vague de résultats révèle l’accélération des équipements en terminaux connectés : près d’un foyer avec enfants sur deux dispose désormais d’une tablette (contre seulement 22% en 2012). Surtout, l’équipement individuel des jeunes s’envole : un adolescent sur cinq utilise désormais une tablette pour son propre usage, celle-ci rejoignant la panoplie déjà large de ses terminaux personnels (smartphone, PC, console, TV). Du côté d’internet, les plus jeunes (7-12 ans) privilégient toujours le divertissement (jeux, vidéo, musique) quand les adolescents se consacrent d’abord à la communication sociale. Facebook reste dominant (80% d’utilisateurs), mais recule légèrement, au profit de Twitter et des nouvelles messageries instantanées (WhatsApp, SnapChat), qui connaissent un succès fulgurant, échappant au contrôle des parents et protégeant mieux l’intimité et la vie privée des jeunes internautes.
Cette transformation rapide des usages n’induit pas pour autant un accroissement du temps total passé devant les écrans, qui reste stable. La consultation des tablettes et smartphones se fait au détriment du PC, et souvent en simultané avec d’autres écrans (multitasking TV/ smartphone, TV/console…). Surtout, le « temps connecté » atteint peut-être un niveau de saturation (2 jeunes sur 3 dînent déjà régulièrement seuls devant un écran !). » Ipsos, mars 2014

L’équipement des moins de 20 ans en tablettes progresse : 8 % des enfants de moins de 7 ans en ont une (+ 5 points depuis 2012), 19 % des 7 – 12 ans (+ 13) et 18 % des 13 – 19 ans (+ 10). 90 % des 13 – 19 ans utilisent des applications mobiles. Le temps moyen hebdomadaire passé sur Internet s’élève à 3 heures 10 pour les moins de 7 ans, 5 heures pour les 7 – 12 ans et 11 heures 45 pour les 13 – 19 ans. »

En guise de conclusion

Les médias digitaux sont en passe de révolutionner notre approche des médias dans leur globalité, mais aussi commencent à modifier notre perception de la pédagogie et la structuration de notre connaissance. La lecture, acquise par l’homme depuis plus de 4000 ans, a pu faire évoluer notre fonctionnement cognitif, et la récente invention des supports digitaux apporte une dimension supplémentaire quant à l’usage et la perception des contenus qui leur sont liés. On peut imaginer, en voyant l’évolution de l’écriture accompagnant celle du langage, que nous sommes à l’aube de l’apparition de nouvelles formes de communication, et donc aussi d’une modification profonde de nos modes de communication. Le questionnement de certains scientifiques sur le rôle croissant des smileys dans la transmission d’’informations du domaine de la communication non verbale est un signe précurseur da l’agrandissement de notre sphère d’échange social. Ces modifications sont sûrement accentuées par l’avantage supplémentaire des médias digitaux : l’apprentissage rapide de l’usage, comme nous l’avons vu avec l’expérience du village africain.

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Richard Couet

Consultant en solutions de publication digitale - Formateur Expert PAO et DPS

2 Commentaires
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Valéry Girou
Administrateur
28 mars 2014 11 h 49 min

Lorsqu’on parle des nouvelles technologies et du cerveau, le plus souvent on évoque les effets des technologies sur le cerveau plutôt que l’inverse, estime Sebastian Dieguez, neuroscientifique. De nombreuses publications récentes nous mettent en garde contre les dangers des nouvelles technologies. Panique, psychose, dépression, dépendance, anxiété… Comment nous rendent-elles stupides, bêtes, dépendants, seuls… Elles semblent n’être que le symptôme des maux de notre société. (…) Et si nous nous posions la question dans l’autre sens. Plutôt que de nous demander si les nouvelles technos sont en train de pirater nos cerveaux, si c’était plutôt nos cerveaux qui pirataient les nouvelles… Lire la suite »

Vincent Suzat
Éditeur
28 mars 2014 19 h 14 min

Très intéressant !! Il est à noter aussi que la plupart des interfaces-utilisateurs d'ordi ont été créées par des américains, anglo-saxons, à partir de l'organisation syntaxique de leur langue. Par exemple : sélection-action, qui est naturel en anglais, mais pas du tout en français ! Ce qui parait intuitif pour un anglo-saxon nous parait illogique pour nous pauvres Français, et nous demande de décomposer chaque geste pour le recomposer à l'envers dans notre syntaxe. A red pen / un stylo rouge… I miss you / Tu me manques, This Text bold / mettre en gras ce texte, etc. Ça explique… Lire la suite »

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